Le Financial Times a affirmé que la Chine avait testé un missile hypersonique en orbite en août 2021, mais celui-ci aurait raté sa cible de plus de 32kms. Celle-ci dément fermement, parlant d’un test pour un « véhicule spatial ». Cependant, si l’annonce s’avérait exacte, cela pourrait changer le paradigme militaire, mais également politique, du monde.
Les armes hypersoniques, innovation et avenir des équipements militaires.
Il convient déjà de revenir sur ce qu’est une arme hypersonique. Celle-ci désigne généralement une arme capable d’aller au minimum à la vitesse de Mach5, soit plus de 6 000 km/h soit cinq fois la vitesse du son. Il existe notamment deux systèmes en développement. Il y a le planeur hypersonique (HGV), qui est projeté par un missile balistique jusque dans la haute atmosphère avant de voler jusqu’à sa cible en alternant des phases balistiques et de rebonds, et le missile de croisière hypersonique (HCM), qui possède sa propre propulsion avec les réacteurs aérobies, qui utilise l’air environnant. Il doit donc voler constamment à une altitude avec assez d’oxygène pour fonctionner correctement. Tout comme les missiles tactiques et stratégiques, ceux-ci peuvent porter une charge nucléaire. Bien qu’ils puissent apparaitre plus rapides que d’autres missiles, ce n’est pas forcément le cas. Un missile hypersonique est lancé à grande vitesse, comme un missile balistique. Alors que le dernier vole dans l’espace sans résistance avant d’être légèrement freiné par son entrée dans l’atmosphère, le premier effectue son trajet à basse altitude et rencontre donc la résistance de l’atmosphère tout le long de son voyage. Selon sa vitesse de départ, il peut théoriquement être plus lent qu’un missile balistique à la fin de sa course.
La différence majeure et capitale est qu’un missile hypersonique est manœuvrable. Sa trajectoire n’est donc pas aussi prévisible que pour les autres missiles, et son interception par les systèmes antimissiles comme le Terminal High Altitude Area Defense (THAAD) américain, bien plus compliquée. La majorité des défenses antimissiles des pays étant basées sur les principes du THAAD,la création d’un missile capable de déjouer ces systèmes fait apparaître une nouvelle menace majeure, rebat les cartes et le potentiel statu quo entre les puissances, dépendant de qui réussit à créer un tel missile pleinement fonctionnel en premier. L’ensemble des grandes puissances effectuent des recherches pour développer des armes hypersoniques. La Chine a d’ailleurs présenté un premier missile hypersonique en 2019, le DF-17, de portée intermédiaire et pouvant porter des têtes nucléaires. La Russie a également testé le missile Zircon capable de dépasser la vitesse Mach5et d’être manœuvrable, ainsi que le planeur hypersonique Avangard. Ce ne sont pas les seuls, lesEtats-Unis, la France, l’Allemagne, l’Australie, l’Iran ou Israël sont d’autant plus d’Etats à développer des programmes de recherche sur ces technologies.
Un statut mondial en danger
Au-delà des avancées techniques et technologiques, c’est toute la dissuasion militaire des pays qui peut être remise en cause et le statut quo existant. Il parait très incertain pour certaines puissances d’être attaquées par d’autres Etats comme les Etats-Unis par exemple. Ceux-ci restent les premiers à dépenser le plus d’argent pour leur budget défense avec un montant de 778 milliards de dollar (US) en 2020, quand le budget du deuxième, la Chine, n’arriverait pas à plus de 252 milliards de dollar (US). Cependant, si les Etats-Unis ne sont pas les premiers à réussir à créer un missile hypersonique viable, potentiellement bien plus dangereux car les Etats ne possèdent pas la technologie de défense adéquat, ils pourraient paraitre bien plus vulnérables et voir se réduire leur poids militaire, mais également politique, sur la scène internationale.
A cela, il convient d’ajouter les potentiels accords entre Etats pour des aides, des partenariats ou des transferts de technologies. Certains experts prennent notamment l’exemple de la Chine avec la Corée du Nord. Pour eux, il ne fait presqu’aucun doute que les deux Etats ont échangé des connaissances et des technologies au vu du développement rapide des armes nord-coréennes. Si c’est le cas, il serait possible que l’Etat de Corée du Nord obtienne des informations sur les armes hypersoniques. Les chercheurs tempèrent cependant en expliquant que pour l’instant des similitudes sont visibles mais il n’y a pas de preuves démontrant la capacité de ce dernier à produire des armes hypersoniques fonctionnelles. Alors que la Corée du Nord a repris les essais et les tirs de missiles balistiques depuis septembre 2021, les tensions avec la Corée du Sud mais également avec les Etats-Unis sont de nouveau montées en flèche. Plusieurs Etats comme les Etats-Unis, la France ou le Royaume-Uni ont vivement condamné les tirs de missiles nord-coréens et le Conseil de Sécurité de l’ONU a été saisi quelques jours plus tard. Comme à chaque remontée des tensions, les mêmes discours s’affrontent, l’Occident développant les idées de stabilité géopolitique et de non-prolifération, quand la Corée du Nord se dit légitime à accroître ses capacités de défense comme tout autre Etat. Le jour même de la réunion du Conseil de Sécurité, Pyongyang a tiré un nouveau missile dans un acte de provocation. Le 29 septembre, dans une annonce officielle, le gouvernement affirme avoir testé avec succès un missile hypersonique. L’information n’a cependant pas été confirmée par d’autres sources que l’agence officielle KCNA du pays.
Des tensions grandissantes entre les Etats
Les tensions sont également importantes entre les Etats-Unis et la Russie. Ces derniers s’opposent régulièrement sur des champs de bataille par proxy ou par procuration, ce qui se retranscrit dans leurs déclarations officielles ainsi que dans les organisations internationales, notamment l’ONU. Les Etats-Unis ont par exemple arrêté de délivrer des visas pour les ressortissants russes par leur ambassade dans le pays moscovite. Ces derniers doivent donc maintenant se rendre en Pologne pour essayer d’obtenir un visa. L’année 2021 et l’élection de Joe Biden ont cependant été l’occasion pour les deux Etats de se retrouver pour de nouveau négocier les accords START, Traité Start de réduction des armes stratégiques, qui expiraient en février 2021. Celui-ci a été prolongé pour une période de cinq ans. Ces négociations étaient particulièrement importantes pour permettre une certaine stabilité géopolitique internationale. Cela n’empêche pas les tensions entre les Etats mais cette collaboration pragmatique en matière de traités est censée permettre d’éviter une guerre nucléaire mondiale. Washington aimerait y associer la Chine à l’avenir, mais Pékin se cantonne en retrait sur la question.
Cependant, alors que la Chine a déjà officiellement présenté le missile hypersonique DF-17 en 2019 et qu’elle est soupçonnée d’en avoir de nouveau testé un en orbite en août 2021, elle semble avoir de l’avance et un avantage non négligeable sur les autres puissances, en particulier sur les Etats-Unis. La Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) a néanmoins affirmé avoir réussi le test du missile hypersonique Hypersonic Air-breathing Weapon Concept (HAWC) le 27 septembre 2021, peu après la reprise des tirs de missiles nord-coréen. L’armée américaine a toutefois raté l’essai de son planeur ARRW en avril 2021. Le rapide enchainement des annonces de test d’armes hypersoniques démontre l’importance de ce nouvel outil et de cette nouvelle technologie dans le domaine militaire et pour s’imposer sur la scène internationale.
Afin de garder leur place dominante sur la scène internationale pour les Etats-Unis, ou pour prendre leur place pour les autres Etats, une nouvelle « course à l’armement hypersonique » pourrait naitre, rappelant l’époque de la Guerre froide et la course à l’arme nucléaire. Le Secrétaire d’Etat des Etats-Unis, Anthony Blinken, se dit inquiet par le retour des essais de missiles nord-coréen, ainsi que par le potentiel tir chinois. Il insiste dans ses discours sur l’instabilité et l’insécurité grandissante, pouvant alors justifier toute nouvelle action, active ou préventive. Un des dangers majeurs de la technologie hypersonique est que le missile est détecté plus tardivement par les systèmes de défense et donc également analysé avec un plus grand lapse de temps. Sans être sûr de savoir si le missile porte une charge conventionnelle ou nucléaire, l’Etat en face, s’estimant directement ciblé, pourrait décider de répliquer immédiatement sans une analyse précise et donc surréagir. Ces armes ne sont pas encore pleinement opérationnelles et ce danger reste pour l’instant relativement hypothétique. Les innovations peuvent cependant rapidement éclore et remettre en cause la situation géopolitique mondiale. Les services de renseignement sont actifs et sur leur garde dans le monde.